J’ai hésité un moment avant de t’écrire. On se
chicanait tellement souvent dans les derniers moments. J’avais raison, tu avais
tort. J’avais tort, tu avais raison. Je faisais des longueurs dans le couloir. Et tu pleurais, la tête contre l'évier. Pourtant, j’ai souvenir qu’au début, on ne
cherchait pas à savoir lequel de nous deux était dans l’erreur. Nous n’étions
pas une erreur.
Ça n’a pas été un hasard non plus. Je me
souviens très clairement d’un soir d’automne où nous avions été te reconduire à
la maison en voiture, une amie et moi. Tu regardais par la fenêtre. Je me
demandais où tu étais, à quoi tu pouvais bien penser, qu’est-ce que tu voyais.
Je n’entendais plus rien. J’étais avec toi, là dehors.
Y avait-il quelqu’un là-haut, dans cet
appartement ? Sûrement pas. Y avait-il quelqu’un hier ? Je ne sais
pas. Là où tu regardais, il semblait n'y avoir personne. Et puis tu es sortie
de la voiture. Mon amie te disait combien ça avait été agréable de passer ce
moment avec toi. Je voyais que ce moment s’achevait.
J’avais cherché à te regarder, à te parler
avec mes yeux. Je voulais que tu m’emmènes avec toi, là-haut ou ailleurs. Je
voulais que tu me fasses une place en toi.
Mon amie a redémarré. Puis je n’y ai plus pensé.
Des années plus tard, tu es venue manger
à la maison. Je n’avais rien à t’offrir. Tu diras plus tard « comme
d’habitude ». Tu tenais ta cuillère d’une manière très élégante. Tu avais
les jambes croisées sur la petite chaise de bois. Je ne te l’ai jamais dit,
mais c’est la première fois que je voyais une femme en vraie.
Je jouais les habitués. J’impressionnais avec
ma tête et j’avais le cœur qui battait la chamade. J’avais des fourmis dans le
bout des doigts. Quand tu m’as enfin touché et que j’ai compris que tu ne
partirais pas, toute ma peau est devenue plus supportable. Je cherchais ta
bouche dans le noir. Tu as fait briller ton corps. Même la lune s'en est allée.
Aujourd’hui, mon imagination me fait mal. Les
médecins croient que je suis malade. Ma peau est lourde depuis toi. Mon amie ne
me parle plus jamais. Elle brille quelque part au nord. Je
regarde par la fenêtre, la lune qui éclaire ton appartement. J’ai les mains
engourdies. Et je dois encore faire l'épicerie.
Schmout
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